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Analyse

Penser ce qui nous unit

Penser ce qui nous unit
© Nicku
"Le monde va de mal en pire : telle est la plainte qui s’élève de toute part, aussi vieille que l’histoire, aussi vieille même que la poésie antérieure à l’histoire, aussi vieille enfin que la plus vieille de toutes les légendes poétiques, la religion des prêtres".

Croirait-on que cette proposition nous vient du temps où les Lumières commençaient de faire place à la révolution industrielle (1794) ? Cette plainte est décrite par Kant, au début de la première partie de "La religion dans les limites de la simple raison". Il la fait suivre de l’opinion opposée et optimiste, celle qui sous-tend la mission de l’éducation, à laquelle nous sommes tous attachés et à laquelle nous croyons encore : "À cette idée s'oppose une opinion plus moderne, opinion héroïque qui est beaucoup moinsrépandue et n'a trouvé crédit qu'auprès des philosophes et, de nos jours surtout, auprès des pédagogues : c'est l'idée que le monde marche précisément en sens inverse et qu'il va constamment du pire au mieux (bien que d'un pas à peine perceptible), ou qu'il se trouve au moins dans la nature humaine une prédisposition à un tel progrès". À deux siècles de distance, ces deux propositions continuent de vivre côte à côte, alors que nous aurions tant voulu ne nous occuper, dans l’école, que de la seconde.

Nous avons choisi de repasser par l’étape kantienne pour inviter à la distance, pour dire à tous que le temps n’est pas encore à l’analyse, au diagnostic et aux réparations. Mais du moins pouvons-nous réfléchir ensemble aux outils qui vont nous permettre, dans les jours qui viennent, de "faire face". Faire face à quoi ?

D’abord, faire face à l’angoisse des enfants et à leur incompréhension devant ce qui vient de se passer, à quoi nous devons répondre par une bienveillance extrême et les interroger sur le contenu de leurs peurs. C’est ce que chacun d’entre vous a certainement fait, et tel est le sens du témoignage de Kerstin Thibon, auquel vous pourrez joindre les vôtres. C’est aussi ce que nous ferons en proposant des textes (comme ceux que Severine Fix vous invite à lire en classe), des documents liés à l’histoire de l’art, des invitations à débattre qui aideront les enfants à sortir de la confusion.

Ensuite, faire face à une classe houleuse, où, lors d’un débat, des enfants refusent d’admettre qu’il y a des choses inacceptables, comme le fait de ne pas se soumettre à la loi qui institue, en rassemblant et en protégeant. Ainsi serait-il inacceptable qu’un enfant n’aille pas à l’école, alors que tant d’enfants dans le monde connaissent, contraints et forcés, un travail à la limite de leurs forces. Les enseignants démunis face à ces enfants qui se sentent vivre à la marge doivent retrouver foi et confiance par la simple réaffirmation d’une valeur intangible, le lien entre les hommes. Aussi ne s’agira-t-il pas d’insister sur les différences, mais de dire ce qui rassemble, l’âge, les jeux, les marques de baskets, le sol sur lequel on marche, la classe, comprise comme lieu de vie et d’apprentissages pour grandir, le régime politi...

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